Orages : "Les solutions face à ce changement climatique, elles sont dans les territoires", assure Dominique Faure, ex-ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales

Ancienne ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, Dominique Faure, est l'invitée de "11h/13h" vendredi 27 juin. Maire d'une petite commune, Saint-Orens-de-Gameville en Haute-Garonne, la femme politique revient sur les orages qui ont frappé la France et les difficultés des élus à répondre à l'urgence ressentie par leur population.


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Ancienne ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, Dominique Faure est également maire d'une petite commune, Saint-Orens-de-Gameville, en Haute-Garonne. Elle publie Au cœur du pouvoir : Journal d'une ministre au service des territoires, ouvrage dans lequel elle revient sur son expérience au gouvernement. C'est en tant qu'édile qu'elle s'exprime dans le "11h/13h", interrogée par la journaliste Audrey Goutard sur les difficultés des maires des petites communes après les orages de mercredi 25 juin.

Ce texte correspond à la retranscription d'une partie de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.


Audrey Goutard : Dominique Faure, les territoires, vous les connaissez bien, c'est votre spécialité. Canicule, violents orages... Ces épisodes sont de plus en plus intenses et fréquents. Selon vous, les territoires sont-ils prêts pour affronter ce genre de défi ?

Dominique Faure : Ce que je peux vous dire, c'est que les solutions face à ce changement climatique, elles sont dans les territoires et on a d'excellents exemples. Alors, bien sûr, on essaie de les reproduire, mais je pense à la ruralité particulièrement, qui est un contributeur à cette transition écologique et qui lutte efficacement contre les inondations, et contre l'absolue nécessité de faire des économies d'eau. On traite de l'eau usée pour irriguer. Donc je pense que les solutions sont dans les territoires, on est en marche.

François Rebsamen vous a confié une mission. Pour résumer, vous allez réfléchir à une stratégie d'aménagement des territoires pour les 15 prochaines années. Vous allez travailler en étroite collaboration avec les élus locaux, avec les acteurs territoriaux, et parmi vos objectifs, celui de mieux intégrer les transitions écologiques et climatiques. C'est à peu près ça, votre mission d'ici les prochaines années ?

On va dire que c'est une des composantes. En fait, l'aménagement du territoire, de façon un peu provocatrice, je dirais que ça pourrait être une politique régalienne tellement elle est importante aujourd'hui pour notre pays. Et la transition écologique est au cœur de l'aménagement du territoire, bien sûr, mais je dirais que le développement économique et la réindustrialisation de notre pays et la cohésion sociale aussi. Donc ces trois composantes vont être prises en compte dans le travail que nous sommes en train de réaliser. Pas moins de 50 auditions, nous sommes en train de tourner actuellement pour être capables de faire des auditions. C'est-à-dire qu'on écoute un peu les territoires, les élus locaux, les hauts fonctionnaires, et on a des sachants vraiment dans le domaine. Et l'idée, c'est de remettre un premier rapport à François Rebsamen fin septembre pour être en mesure d'approfondir les sujets qu'il souhaite pour le mois de décembre.

"On est sur une politique à 10, 15 ans, on est sur un travail de fond"

Est-ce que ça veut dire aussi qu'il faut revaloriser le travail des élus locaux ? On le voit bien, lorsqu'il y a des épisodes caniculaires ou de violents orages, ce sont souvent les maires qui montent en première ligne et finalement, on a vu des maires qui se découragent, qui jettent l'éponge. Est-ce qu'il faut là encore une fois revaloriser leur travail ?

Il est impératif de prendre conscience d'à quel point la transition écologique, mais aussi la cohésion sociale, est entre les mains de nos élus locaux. C'est eux qui tiennent le pays, les maires et les présidents de PCI. On l'a vu pendant la pandémie d'ailleurs, mais aussi pendant les émeutes. On l'a vu vraiment à tous les moments difficiles que notre pays a traversés ces dernières années. Mais l'État les accompagne. Et c'est ça, le rôle de l'État véritablement en matière d'aménagement du territoire. C'est d'abord porter une vision, donner le cap, et puis, ensuite, accompagner dans la mise en œuvre les collectivités locales. Aujourd'hui, le président de la République a voulu une agence, l'Agence nationale de cohésion des territoires. L'Agence nationale de cohésion des territoires, mais aussi cette grande direction de l'aménagement et de la nature, la DGALN, ce sont à elles deux les bras armés de l'État pour accompagner les élus locaux dans la prise en compte de la sécheresse, des inondations, de tous ces sujets.

Je prends un exemple, il y a eu une sécheresse épouvantable. Concrètement, comment agit cette agence ? Comment se mettent en place les actions prévues par ces institutions ?

Vous touchez là à un sujet qui, je pense, intéresse vos téléspectateurs, qui est que quand on gouverne, on a vraiment deux temporalités. On a l'urgence et puis on a à préparer l'avenir. On travaille sur le fond et on passe de l'un à l'autre. Donc là, je vous parlais d'aménagement du territoire, on est sur une politique à 10, 15 ans, on est sur un travail de fond. On a une agence, une grande direction générale, mais aussi d'autres directions générales qui travaillent à cet aménagement du territoire. Il nous faut véritablement écrire, fixer un cap. Quand on est face à l'urgence, on est dans d'autres conditions, où on va travailler avec les pompiers, on va travailler avec nos gendarmes, on va sécuriser les populations et on est dans une toute autre temporalité. Durant les inondations, on a montré l'efficacité, même s'il a fallu quand même quelques jours, quelques semaines, quelques mois... On a vraiment été présent aux côtés des collectivités territoriales par rapport à l'urgence.

La Cour des comptes a publié ce matin un nouveau rapport sur la situation des finances publiques. Un budget alarmant : beaucoup trop de dépenses, trop peu de recettes. Est-ce que vous pensez que pour appliquer cette réforme que vous a confiée, cette mission que vous a confiée François Rebsamen, vous aurez suffisamment de budget ?

Sur le sujet des finances locales, j'ai vraiment pour habitude de dire que ce sont les bons élèves, nos collectivités locales. Et je ne le dis pas pour les flatter, je le dis parce que c'est une réalité. Quand elles dépensent plus, c'est tout simplement la plupart du temps qu'elles investissent plus. Donc de toute façon, elles contribuent au développement économique des territoires. Donc quand la Cour des comptes dit qu'on traverse une période au niveau des finances de notre pays qui fait qu'il va peut-être falloir réduire la défense publique en fonctionnement et en investissement, pourquoi pas ? Mais attention, vous le disiez en introduction, à la reconnaissance que nous devons à ces élus locaux qui font vraiment la cohésion dans nos territoires. Ce sont eux qui tiennent les écoles, eux qui tiennent les murs, eux qui tiennent les routes, et eux qui tiennent la transition écologique entre leurs mains. Donc soyons prudents, donnons-leur de la reconnaissance, demandons-leur d'être solidaires, ils le seront. Mais attention à ce que ça ne soit plus comme une sanction.

"Attention à ne pas asphyxier nos collectivités locales"

Solidarité et reconnaissance, très bien, mais dans le contexte budgétaire actuel, j'y reviens encore, où trouve-t-on l'argent ?

Je veux rappeler aux maires que quand Christophe Béchu est arrivé, et moi en tant que ministre déléguée, nous avons pu obtenir 2 milliards, puis 3, d'investissements pour le fonds vert. Aujourd'hui, effectivement, cette dépense supplémentaire de l'État qui est mise à la disposition des collectivités locales est oubliée et nous sommes contraints, globalement, de la réduire. Mais il y a trois ans, nous fonctionnions sans ce fonds vert. Donc nous allons, je pense, verdir les dotations qui sont données aux communes, les réduire. Peut-être que le calendrier qui était prévu va devoir se ralentir. Mais en tout cas, soyons prudents parce qu’attention à ne pas asphyxier nos collectivités locales qui, globalement, sont bien gérées.

Ce sont les départements qui sont les plus en difficulté par rapport aux communes et aux régions. Pourquoi ?

Ils portent des politiques publiques qui sont très onéreuses. Ils portent, d'une façon générale, le social. C'est surtout le volet social qui fait que ça pèse lourd. Et donc, le ministre Rebsamen travaille avec les départements pour voir justement, puisque c'est quand même une petite moitié de départements qui est en difficulté dans notre pays aujourd'hui, comment on peut sortir de ce qui pourrait apparaître comme une impasse ? En tout cas, nous avons besoin des départements. Nous avons besoin de leurs compétences. On est sur une bonne maille, la maille départementale. Et je suis assez confiante sur le fait que les solutions vont être trouvées par rapport à leurs difficultés financières.

La mort de Naël, 17 ans, lors d'un contrôle policier, c'était il y a deux ans, jour pour jour. Des émeutes avaient éclaté dans toute la France. Certains maires se sont retrouvés en première ligne, parfois menacés de mort. Ça a été le cas du maire de L'Haÿ-les-Roses, dont le domicile avait été attaqué. Et à l'époque, vous aviez pris sa défense. Vous aviez même affirmé, je vous cite : "Les maires sont les remparts de notre République, il faut les protéger".

Alors je le pense, je le raconte dans mon livre, c'est un épisode émouvant et je pense que, parmi les choses dont je suis le plus fière et que je raconte entre autres dans ce livre, il y a la lutte vraiment contre la violence faite aux élus. Et là, on a été dans une politique publique qu'on a conduite en urgence. Avec Gérald Darmanin, qui était mon deuxième ministre de tutelle, j'étais à Beauvau sous son autorité, on a été efficaces. Et avec François Noël, du fait qu'il était le président de la Commission des lois, et qui est maintenant à Beauvau, ministre délégué du ministre Retailleau, on a pu porter un texte de loi qui a fini par vraiment nous permettre d'avoir un programme qui vise à protéger nos élus locaux. À la fois en prévention, à la fois en accompagnement et à la fois en répression, puisque ce texte de loi nous a permis à l'époque de faire en sorte que quiconque s'attaque à un élu soit autant sanctionné que quiconque s'attaque à un gendarme ou un policier. Donc là, on était dans l'urgence, on a mis quand même 7, 8 mois pour aboutir sur un texte, un programme qui fait qu'aujourd'hui les maires, je le vis sur mon territoire en Haute-Garonne avec qui j'échange, et puis la préfecture aussi, se sentent plus protégés.

Le mal-être des maires, des chiffres à "relativiser"

Ce sont les maires qui sont en première ligne lorsqu'il y a des sinistres, ce sont eux qui sont au contact les premiers avec les habitants lorsqu'il y a des problèmes. Ces maires aujourd'hui, est-ce qu'ils ne portent pas trop de casquettes ? Parce qu'ils font face aussi à une défiance de la population, à de la délinquance. Est-ce que vous comprenez aussi qu'il y ait ce malaise chez ces maires-là ? Il y en a beaucoup qui jettent l'éponge.

Oui, je comprends ce malaise. Il n'y en a pas tant que ça. Il faut quand même relativiser parce qu'on ne regarde que ceux qui décident de ne pas se représenter en 2026. On a 35 500 maires et ça se chiffre en quelques centaines, le nombre de maires qui disent ne pas se représenter. Peut-être un millier. Mais il n'empêche que moi, vous le savez, je suis candidate à la présidence du Parti radical et que je milite pour une refondation de notre pacte républicain. Je le dis dans ce livre, à quel point il nous faut rétablir la confiance entre les élus locaux et la République, entre les élus locaux et le gouvernement. Et c'est vrai que c'est un travail qui se construit petit à petit. Je travaille à ma petite échelle et sur mon territoire pour donner envie à des jeunes de s'engager. Nous avons besoin de jeunes qui ont entre 25 et 35 ans pour s'engager, peut-être pas tout de suite pour être maire, mais pour être dans des équipes municipales et peut-être, derrière, devenir maire. Nous avons besoin aussi d'acteurs économiques. Nous avons besoin d'une plus grande pluralité de profils dans notre gouvernance locale.

Vous avez donc été ministre, vous êtes aujourd'hui maire. Est-ce que vous avez l'impression quand même que ce pouvoir, il est trop vertical entre ce qu'il se passe à Paris et ce qu'il se passe dans les territoires ?

Non, je ne partage pas ce point de vue. Je pense que la plus grande difficulté que nous rencontrons quand nous sommes au gouvernement, c'est véritablement l'impuissance publique et ce sentiment que ressentent nos citoyens ou que ressentent nos élus locaux. C'est-à-dire cette capacité à agir, du président de la République à tous les ministres. On n'est absolument pas délaissés, on est en difficulté pour agir efficacement et rapidement. Lenteur de prise de décision parfois, surtout quand on porte des politiques publiques qui sont transversales, en interministériel, très longues à mettre en œuvre. Donc je pense qu'on peut, en travaillant sur ces deux sujets, véritablement donner envie à nos concitoyens de s'engager. C'est la meilleure façon de prouver son attachement à la République et à notre pays.

Vous avez été ministre, vous êtes aujourd'hui maire. Quelles sont les principales difficultés en tant que ministre et en tant que maire ?

En tant que ministre, je viens de vous le dire, c'est l'impuissance publique. C'est la difficulté à agir, c'est la rapidité. On porte des beaux programmes, même encore aujourd'hui, France ruralité, que j'ai porté, j'ai mis 7-8 mois à le construire avec les équipes, les hauts fonctionnaires qui m'entouraient, mon cabinet, et beaucoup de consultations avec les élus locaux. Il y a encore la moitié des maires en ruralité qui ne connaissent pas encore suffisamment bien, ou qui ne se saisissent pas des dispositifs. En tant que maire, la plus grande difficulté, c'est d'agréger un nombre de politiques publiques extrêmement différentes et parfois contradictoires. Il faut apparaître cohérents auprès de nos concitoyens. Parfois, il faut concilier le développement économique et la transition écologique, ce qui est valable au niveau du pays. Mais sur un petit territoire, c'est encore plus difficile d'embrasser tous les sujets.

Est-ce que vous avez quand même l'impression, quand on est élu local, que vous êtes quand même plus près de l'intérêt des concitoyens ? Est-ce que le dialogue n'est pas plus facile ?

C'est une évidence. On est effectivement au contact des populations. Ils attendent des maires et de mes collègues élus locaux sur la commune de Saint-Orens-de-Gameville que l'on soit sur le terrain. J'y suis le matin, le midi, le soir, le week-end. Ce que je ne pouvais pas faire quand j'étais ministre : même si j'ai fait 162 visites sur les territoires, on est quand même beaucoup plus loin du citoyen. Là, on a vraiment le retour, la reconnaissance. On est aussi celui qui est sollicité quand les choses vont moins bien. On peut prendre des coups parfois, mais c'est passionnant. Et si, au travers de cette interview et de mon livre, je peux donner envie à quelques citoyens de s'engager, je serais très heureuse.

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Dominique Faure interviendra à l’Université d’été du Laboratoire de la République

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L’ancienne ministre Dominique Faure candidate à la présidence du Parti radical