L’Aide Sociale à l’Enfance est mise en œuvre par les départements et uniquement par eux.
L’ASE a pour mission de prévenir et de repérer les situations de danger pour les enfants,
mais aussi de les protéger par des mesures administratives ou judiciaires.
Force est de constater que l’Aide Sociale à l’Enfance craque, sature et ne répond plus à ses objectifs premiers.
De graves dysfonctionnements ont été relevés. Les différentes lois, notamment celles de 2007, 2016 et 2022,
restent très peu appliquées. Fin 2023, près de 400 000 jeunes étaient suivis par l’ASE, dont 54 % par une mesure de placement
et 46 % par une mesure éducative à domicile. Ce nombre a augmenté de 44 % alors que la population des moins de 21 ans n’a crû que de 1,6 %.
Un enfant victime de violences qui n’est pas pris en charge rapidement risque de perdre jusqu’à 20 ans d’espérance de vie.
Les jeunes relevant de l’ASE sont davantage exposés au chômage, à la pauvreté et poursuivent moins d’études secondaires et supérieures.
Les défaillances rencontrées par l’ASE sont dues principalement à un pilotage déficient.
La protection de l’enfance étant décentralisée, l’État, chargé de définir une stratégie nationale et de garantir la bonne application des lois,
n’assume pas son rôle. L’implication variable des départements et des services déconcentrés de l’État induit de fortes inégalités entre territoires.
En moyenne, les conseils départementaux consacrent chaque année 9,1 milliards d’euros à la protection de l’enfance, soit environ 22 % de leurs
dépenses sociales (41 milliards). Malgré cela, la prise en charge reste souvent inadaptée : délais d’exécution des décisions de justice trop longs,
carences pour les enfants porteurs de handicap, conditions d’accueil indignes, absence généralisée de contrôle des antécédents judiciaires des adultes
en contact avec les enfants, alors même que la pédocriminalité augmente. Enfin, la crise d’attractivité des métiers, due à de faibles rémunérations et
des conditions de travail dégradées, aggrave la situation.
Nous devons refonder l’Aide Sociale à l’Enfance. L’État devrait d’abord assumer un rôle plus important en nommant un ministre ou secrétaire d’État
pleinement dédié à cette mission – ce qui n’est plus le cas depuis 2020. Ensuite, il faut rénover la gouvernance par une loi de programmation
quinquennale, créer un fonds pluriannuel et une commission nationale de réparation pour les enfants placés victimes de maltraitance en institution.
Un second fonds pluriannuel pourrait concerner les enfants victimes de violences sexuelles, en mettant en œuvre les recommandations de la CIIVISE.
Il faut garantir que tous les départements disposent des mêmes moyens afin d’assurer prévention et repérage des situations de danger,
et mettre fin aux inégalités territoriales. Les conditions d’accueil doivent être améliorées, les contrôles renforcés et un décloisonnement des politiques
de santé, de handicap et d’éducation instauré. Cela permettrait de mieux répondre aux besoins, d’améliorer l’accompagnement vers l’autonomie et de
rendre le secteur plus attractif.
Même si la France consacre un budget parmi les plus élevés au monde à la protection de l’enfance,
les moyens financiers ne sont pas le principal obstacle. Les progrès attendus concernent surtout la formation adaptée des professionnels,
la réduction des placements longs, une meilleure prise en charge des problèmes de santé mentale – notamment le taux de tentatives de suicides,
cinq fois plus élevé que dans la population générale au même âge – ainsi qu’une réponse adaptée face à l’augmentation des mineurs migrants isolés.
Certes, des évolutions ont eu lieu ces dernières années, mais elles demeurent insuffisantes.
Le Président Emmanuel Macron déclarait en décembre 2024 :
« Nous devons, pour nous et nos enfants, agir de manière beaucoup plus forte et beaucoup plus claire, procéder à une vraie révolution de l’action publique
pour l’enfance et la jeunesse, des 1 000 premiers jours jusqu’à 20 ans. Il nous faut rebâtir notre aide sociale à l’enfance.
C’est une vraie politique nationale qui est à construire. »
La grande cause nationale est devenue la grande oubliée. Redonnons-lui vie.